Si tu n’as pas lu la première partie de cet article, je t’invite à le faire en cliquant sur le lien suivant : PARTIE 1
I. Comment diagnostiquer le SIBO ?
Les tests
Pour mettre en évidence un SIBO, il existe actuellement deux tests qui ont été validés :
L’aspiration du fluide jéjunal (le jéjunum est une portion de l’intestin grêle), avec mise en culture du fluide. Bien que ce soit le test de référence, l’aspiration du liquide jéjunal est rarement utilisée en dehors de la recherche médicale en raison de sa nature invasive et de la nécessité d’un équipement spécialisé.
Test respiratoire (ou breath test) : Plus commun, ce test est non invasif, abordable et simple. Il utilise soit du glucose soit du lactulose dilué dans l’eau que le patient boit après avoir jeûné et suivi un régime alimentaire spécifique. Les gaz produits par la fermentation bactérienne sont ensuite mesurés dans l’air expiré par le patient à intervalles réguliers, fournissant des indications précieuses sur la présence de SIBO.
Le principe du test respiratoire
Le principe du test respiratoire est assez simple et non invasif :
Préparation : Le patient doit suivre un régime alimentaire strict (permettant d’éviter toute fermentation colique), suivi d’un jeûne de minimum 12h
Ingestion du substrat : Le patient ingère une solution contenant un substrat fermentable (glucose ou lactulose).
Mesure des gaz expirés :
Après l’ingestion, les bactéries présentes dans l’intestin fermentent le substrat, produisant des gaz qui passent dans le sang puis sont expulsés par les poumons. Le test mesure principalement l’hydrogène (H2) et le méthane (CH4) (parfois le H2S). Le dioxyde de carbone (CO2) est aussi mesuré pour contrôler la qualité de l’échantillon et s’assurer qu’il n’y a pas de contamination par l’air ambiant.
- Les mesures sont prises à intervalles réguliers, généralement toutes les 20 minutes, pour échantillonner l’activité de différentes parties de l’intestin.
- La durée du test dépend du substrat utilisé : environ 120 minutes pour le glucose et 180 minutes pour le lactulose.
Le choix du substrat
Pour finir il faut savoir qu’il existe à l’heure actuelle un vrai débat sur la fiabilité des substrats utilisés : glucose ou lactulose (et pas lactose !).
La sensibilité et la spécificité du test au glucose est un peu plus élevée que pour le test au lactulose [2]. Il est cependant également admis que le glucose pourrait donner plus de « faux négatifs », car le substrat est plutôt absorbé dans les premières portions de l’intestin grêle. Cette affirmation provient du fait que la capacité d’absorption du glucose au niveau du grêle peut varier en fonction des individus. Il faudra cependant noter que l’affirmation selon laquelle le glucose ne transiterais pas dans toute la portion de l’intestin grêle est encore débattue en 2024 [9].
Avec un test au glucose, il serait donc possible de passer à côté d’une pullulation bactérienne localisée dans la zone terminale de l’intestin grêle. C’est pour cela qu’en cas de forte suspicion de SIBO ou d’IMO et en présence d’un test négatif au glucose, il serait intéressant d’effectuer un test au lactulose. De plus, il est également possible que certaines bactéries « fermentent » plus un substrat qu’un autre, pouvant parfois expliquer un résultat négatif avec un substrat et positif avec un autre.
![Sensibilité et Spécificité des Tests respiratoire au Glucose et au Lactulose - Données d'après Losurdo G. et al. (2020) [2]](https://logger-media-files.s3.eu-west-3.amazonaws.com/sibo-breath-test-sensitivity-sensibility.png)
Sensibilité et Spécificité des Tests respiratoire au Glucose et au Lactulose - Données d’après Losurdo G. et al. (2020) [2]
II. Critères d’analyse des tests respiratoires
Les critères d’analyses
Il existe une grande hétérogénéité dans les critères d’analyses des tests respiratoires en fonction des pays, et même au sein d’un pays (comme la France) les critères peuvent parfois varier d’un hôpital voire d’un praticien à l’autre ! Il existe cependant des critères d’analyses validés, notamment:
- les critères d’analyses provenant du consensus de Rome (en 2009) [3]
- les critères d’analyses définis par le consens Nord-Américain (en 2017) [1]
La plupart des experts SIBO reconnus internationalement (comme le Dr N. Jacobi ou encore le Dr A. Siebecker) utilisent les deux critères d’analyses, c’est-à-dire les critères de Rome et les critères Nord-Américains, car cela se rapproche de manière plus juste de la « réalité clinique ». Ce sont d’ailleurs les deux critères d’analyses qui sont utilisés par de nombreux centres experts [4] [5] [6].
Analyse des résultats
Pour l’analyse des tests respiratoire il est important de prendre en compte deux paramètres :
Le « cut-off » (ligne de démarcation) qui est de 90-120 min [4] [5] [8]. Au-delà de ce cut-off, la probabilité que le substrat ait atteint le côlon est importante, et toute montée d’hydrogène après 90-120 min pourrait représenter des fermentations coliques normales, et non pas des fermentations situées dans l’intestin grêle (SIBO). Il y a cependant une exception pour l’IMO. En effet, le méthane (CH4) est analysé sur toute la durée du test (jusqu’à 180 min) car, pour rappel, la pullulation d’archées méthanogènes peut se faire aussi bien dans l’intestin grêle que dans le côlon.
Les critères d’analyses en eux-mêmes. Si on se base sur le consensus le plus récent (consensus Nord-Américain de 2017) [1], un test au glucose ou au lactulose est considéré comme positif pour un SIBO hydrogène (H2) s’il y a une augmentation de l’H2 supérieure ou égale à 20 ppm (partie par million). Pour l’IMO toute valeur de CH4 supérieure ou égale à 10 ppm sur toute la durée du test permet de considérer le test positif.
Il est important de rappeler qu’il existe également d’autres critères utilisés en pratique, comme le critère Hydrogène + Méthane combiné (H2 + CH4 combiné). Il existe également une distinction entre le test respiratoire au glucose et au lactulose pour le critère de positivité à l’hydrogène. Certaines études ou consensus (comme le consensus de Rome), ainsi que certains praticiens, considèrent qu’un test au glucose est positif lorsque l’augmentation de l’H2 est supérieure ou égale à 12 ppm et non pas 20 ppm [3] [4] [5] [6].
Exemple de résultats et interprétation

Le test ci-dessus est un test respiratoire au lactulose réalisé sur 180 min. L’hydrogène (H2), le méthane (CH4) ainsi que le CO2 ont été mesurés. La mesure du CO2 sert de contrôle. La mesure basale se fait avant que le patient avale le substrat (lactulose ici) et permet de vérifier qu’il n’y ait pas « d’hyper-fermentation basale », qui est possible si le patient n’a pas bien suivi les consignes de pre-requis (notamment le régime préparatoire avant le test).
Après 120 min, les gaz expirés mesurés sont considérés comme étant des fermentations par la flore bactérienne colique.
Entre 90 et 120 min il s’agit d’une zone de transition dans laquelle le substrat est soit à la fin de l’intestin grêle, soit parfois déjà passé dans le côlon. L’analyse des gaz expirés dans cette zone de transition doit prendre en compte l’historique médical du patient (présence de chirurgie digestive par exemple) et d’une manière général tout facteur pouvant influencer la vitesse du transit intestinal.
Concernant le critère H2 (positif si augmentation H2 ≥ 20 ppm dans les 90-120 min du test) : augmentation de l’H2 de 27 ppm à 80 min - Test positif
Concernant le critère CH4 (positif si CH4 ≥ 10 ppm à n’importe quel moment dans les 180 min du test) : pic de CH4 à 33 ppm - Test positif
Le test respiratoire est donc positif pour un SIBO et IMO.
III. Où et comment réaliser le test respiratoire ?
Le test respiratoire peut se réaliser aussi bien dans une structure (laboratoire médical ou hôpital) qu’à domicile. Le matériel utilisé pour un test à domicile est sensiblement le même que celui utilisé à l’hôpital, et il n’y a donc pas de problèmes de fiabilité. Les tubes permettant la récolte des gaz sont dotés d’une membrane auto-refermable qui garantit l’étanchéité des prélèvements. L’envoi du matériel par courrier postal auprès d’un laboratoire est donc tout à fait envisageable.
Liste des Hôpitaux et laboratoires pour le test respiratoire SIBO
IV. Les prérequis à respecter avant le test respiratoire
Il y a de nombreux prérequis à respecter pour garantir la fiabilité des tests respiratoires [1] [3], notamment un régime préparatoire strict n’autorisant qu’une liste très limitée d’aliments (exclusion de tous les aliments fermentescibles).
Préparation à long terme (1 mois avant le test) :
- Éviter certains examens médicaux
- Suspendre la prise de certains médicaments
- Attendre 1 mois après une antibiothérapie (pour un premier test)
Régime préparatoire strict (24 à 48h avant le test, 72h pour les patients très constipés)
- Liste très limitée d’aliments autorisés
- Exclusion de tous les aliments fermentescibles
Jeûne final :
- Durée optimale de 12h avant le test
Prérequis pour le test respiratoire
Ecrit par Christian Boyer Docteur en Biologie & Physiologie Humaine Diététicien – Nutritionniste Formateur et conférencier dans le domaine du Microbiote & Pathologies digestives
Références
[1] Rezaie A, Buresi M, Lembo A, Lin H, McCallum R, Rao S, Schmulson M, Valdovinos M, Zakko S, Pimentel M. Hydrogen and Methane-Based Breath Testing in Gastrointestinal Disorders: The North American Consensus. Am J Gastroenterol. 2017 May;112(5):775-784. doi: 10.1038/ajg.2017.46. Epub 2017 Mar 21. PMID: 28323273; PMCID: PMC5418558.
[2] Losurdo G, Leandro G, Ierardi E, Perri F, Barone M, Principi M, Leo AD. Breath Tests for the Non-invasive Diagnosis of Small Intestinal Bacterial Overgrowth: A Systematic Review With Meta-analysis. J Neurogastroenterol Motil. 2020 Jan 30;26(1):16-28. doi: 10.5056/jnm19113. PMID: 31743632; PMCID: PMC6955189.
[3] Gasbarrini A, Corazza GR, Gasbarrini G, Montalto M, Di Stefano M, Basilisco G, Parodi A, Usai-Satta P, Vernia P, Anania C, Astegiano M, Barbara G, Benini L, Bonazzi P, Capurso G, Certo M, Colecchia A, Cuoco L, Di Sario A, Festi D, Lauritano C, Miceli E, Nardone G, Perri F, Portincasa P, Risicato R, Sorge M, Tursi A; 1st Rome H2-Breath Testing Consensus Conference Working Group. Methodology and indications of H2-breath testing in gastrointestinal diseases: the Rome Consensus Conference. Aliment Pharmacol Ther. 2009 Mar 30;29 Suppl 1:1-49. doi: 10.1111/j.1365-2036.2009.03951.x. Erratum in: Aliment Pharmacol Ther. 2010 Jan;31(1):166. Satta PU [corrected to Usai-Satta P]. PMID: 19344474.
[4] https://aerodiagnostics.com/clinicians.html
[5] https://sibocenter.com/interpreting-results/
[6] Erdrich, S., Tan, E.C.K., Hawrelak, J.A. et al. Hydrogen–methane breath testing results influenced by oral hygiene. Sci Rep 11, 26 (2021). https://doi.org/10.1038/s41598-020-79554-x
[7] https://www.triosmartbreath.com/orderonline
[8] Pimentel M, Saad RJ, Long MD, Rao SSC. ACG Clinical Guideline: Small Intestinal Bacterial Overgrowth. Am J Gastroenterol. 2020 Feb;115(2):165-178. doi: 10.14309/ajg.0000000000000501. PMID: 32023228.
[9] Kashyap, P. et al. (2024) ‘Critical appraisal of the SIBO hypothesis and Breath Testing: A Clinical Practice Update endorsed by the European Society of neurogastroenterology and motility (ESNM) and the American neurogastroenterology and Motility Society (ANMS)’, Neurogastroenterology & Motility, 36(6). doi:10.1111/nmo.14817.